Un système très malade
Sophie Legault, 22 ans.
Crédit photo : Charlotte Legault
Des listes d’attente qui frôlent les 20 000 noms et des interve- nants complètement surchargés traduisent l’ampleur du manque d’accessibilité aux soins de santé mentale au Québec.
Six heures en salle d’attente, 48 heures à l’urgence avant qu’un lit se libère en psychiatrie et 36 heures avant de voir un spécialiste, toutes des étapes que ma famille et moi avons dû franchir quand, en mars dernier, ma grande sœur a été hos- pitalisée pour un premier épisode psychotique. Après un mois à l’hô- pital, elle est revenue à la maison avec quatre ou cinq prescriptions et aucune ressource. À la lumière de cette expérience difficile, j’ai déci- dé d’aborder le sujet de l’accessi- bilité aux soins en santé mentale. Pour ce faire, je suis allée à la ren- contre d’Anousheh Machouf, psy- chologue au CLSC de Parc-Exten- sion, à Montréal.
UN SYSTÈME COINCÉ DANS UN CERCLE VICIEUX
D’abord, les listes d’attente ne sont pas près de s’alléger, car le système est pris dans un cercle vi- cieux. En fait, depuis quelques an- nées, le réseau de santé opère avec un système de guichet d’accès,
qui constitue l’intermédiaire entre les gens et les intervenants et qui fonctionne comme un entonnoir. Le problème, c’est que les gens qui travaillent au guichet d’accès reçoivent énormément de pression de la part du gouvernement et des patients en attente, puis, ne pou- vant plus supporter ces conditions de travail, ils quittent leur emploi. Ainsi, on n’arrive pas à les rempla- cer, donc les listes d’attente ne font que s’alourdir, la pression ne fait qu’augmenter et le cycle continue.
« Maintenant, l’engorgement est au niveau du guichet d’accès, il n’est pas au niveau de l’interve- nant. […] c’est comme si on avait rajouté une couche – c’est comme si on a rajouté des couches admi- nistratives. » (Anousheh Machouf, psychologue)
L’ART DE « TOURNER LES COINS RONDS »
Voici ce qu’on nous propose comme solution, en réaction à l’entonnoir qui se resserre : « Des 100 millions de dollars annoncés,
25 millions devaient servir à payer des psychologues et des psychothérapeutes du privé afin qu’ils prennent en charge des patients du public. En date du 6 octobre, 1433 patients du réseau public ont été orientés vers des services en santé mentale au privé […] C’est bien peu en regard des
19 098 personnes figurant sur
la liste d’attente […] Le 19 juin, ils étaient 18 715 à patienter. » (Marie-Ève Cousineau, Le Devoir) Donc, plutôt que de mettre temps et argent dans notre système public, on finance le privé. En outre, les psychologues du public se font ordonner de diminuer le nombre de rencontres avec les patients, pour écourter les listes d’attentes le plus rapidement possible. Or, cette réponse ne fait que perpétuer le cercle vicieux, car les gens dont la thérapie écourtée prématurément souffrent toujours et se retrouvent souvent de nouveau sur la liste .
« Parce qu’il y en a qui avaient dix séances et c’est correct, mais il y en a, ça prend 8 mois. […] il faut être flexible par rapport aux besoins de chacun. » (Anousheh Machouf) En effet, nous devons collectivement comprendre que la santé mentale est tout aussi importante que la santé physique et qu’on ne peut pas simplement la négliger.
« C’est comme si un chirurgien se faisait dire « tu arrêtes ta chirurgie au bout d’une couple d’heures même si tu n’as pas fini ». » (Charles Roy, Le Devoir)
MAIS COMMENT Y REMÉ- DIER?
D’abord, il faudrait attirer plus d’intervenants au public, où divers professionnels complémentaires qui travaillent en équipe sont en
mesure d’offrir un service beau- coup plus complet. Ensuite, il serait avantageux d’investir dans le com- munautaire : « Nous proposons de faire participer et de financer, à l’intérieur de chaque guichet d’accès, une personne-ressource provenant des organismes com- munautaires qui aura la tâche de coordonner les liens de collabo- ration entre les organismes com- munautaires et les services du réseau de la santé. » (Claire Ga- mache et René Cloutier, La Presse) Puis, nous devons comprendre que tout ne peut pas se régler dans le bureau du psychologue. Il faudrait mettre en place des soins perma- nents « qui sont dispensés dans le milieu naturel des personnes, comme à domicile et dans les ressources de proximité lorsque les personnes vivent une crise importante de santé mentale. » (C.G. et R.C., La Presse)
Finalement, M. Legault, je m’adresse à vous. S’il vous plaît, tenez parole et investissez les sommes suffisantes pour qu’un réel pour générer un réel impact et pour que tous ces gens cessent de souf- frir dans le silence et dans la soli- tude.
CHARLOTTE LEGAULT
Étudiante en arts, lettres et communi- cation CEGEP Rosemont
Projet en communication: reportage
web, blogue et médias sociaux
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