Éditorial mai 2016
19 mai 1816 19 mai 2016
200e anniversaire du Décès de madame
Suzanne Simon Louverture
Toussaint Louverture avait épousé Suzanne Simon Baptiste, femme de descendance africaine libre, déjà mère d’uen enfant, Placide. Elle lui donnera deux fils: Isaac et Saint-Jean. Après sa mort, sa famille dut s’installer à Agen, en France. Son troisième fils y mourra de langueur et sa femme y expirera en 1816. Son fils Isaac décédera à Bordeaux le 26 septembre 1853
L’arrestation de Toussaint
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Toussaint Louverture a été arrêté le 7 juin 1802 alors qu’il arrivait au rendez-vous convenu sur l’habitation Georges avec le général Brunet vers huit heures du soir. Suite au complot préparé par celui-ci, Louverture fut garrotté, malmené, puis conduit aux Gonaïves. Il fut embarqué sur la frégate La Créole, qui immédiatement partit à destination du Cap. Le 11 – 12 juin 1802 au large du Cap, Louverture fut transféré sur le vaisseau Le Héros. C’est en montant sur Le Héros qu’il dit au commandant du vaisseau Savary ces mots célèbres: « En me renversant, on n’a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l’arbre de la liberté des Noirs ; il repoussera par les racines, parce qu’elles sont profondes et nombreuses. »
Cette déclaration de Toussaint Louverture explique en partie le fait que son successeur le général Jean Jacques Dessalines ait fait introduire dans l’article 3 de la constitution haïtienne que toute personne africaine ou de descendance africaine en captivité par des trafiquants humains n’avaient qu’à toucher le sol haïtien pour devenir libre par conséquent citoyen haïtien. Ce que l’humoriste Badaoui considère comme un excès de fierté quand les haïtiens considèrent les noirs de la diaspora africaine et leurs descendants nés en captivité par les trafiquants humains européens n’est en fait qu’une réalité dont rêvait Toussaint Louverture et qui a été inscrit dans la constitution haïtienne en1804 par le général en chef des forces armées ayisyennes qui ont vaincu les forces armées du trafiquant humain en chef , l’européen Napoléon Bonaparte.
Le 16 juin 1802, Le Héros, avec sa cargaison de prisonniers, partit du Cap pour se rendre en France.
L’arrestation de Suzanne
Suzanne Simon Baptiste, de son côté, avait été arrêtée le 8 juin 1802 avec les membres de sa famille, sa maison livrée au pillage. Elle fut embarquée avec son mari Toussaint Louverture, ses fils et de nombreux domestiques. Toussaint, lui-même, fournit une idée de sa relation avec sa femme dans Le Moniteur universel du 9 janvier 1799 : « Jusqu’au moment de la Révolution, je n’en avais pas quitté ma femme une heure ; nous allions travailler à notre place (champ) en nous donnant la main, nous revenions de même. À peine nous apercevions-nous des fatigues du jour… Le ciel a toujours béni notre travail ; car non seulement nous vivions dans l’abondance et nous faisions des épargnes, mais nous avions encore le plaisir de donner des vivres aux africains de l’habitation et à leurs descendants quand ils en manquaient. Le dimanche et les fêtes, nous allions à la messe, ma femme et moi et mes parents. De retour à la case, après un repas agréable, nous passions le reste du jour en famille, et nous le terminions par la prière que nous faisions en commun. »
Madame Louverture révéla qu’aussitôt arrêtée, elle et Toussaint furent maintenus dans les fers, enchaînés, et à peine nourris pour rester en vie. Elle pensait qu’arrivés à Bordeaux en France, et bien que dans la même prison au début, pensait-elle, ils furent séparés, et elle ignorait totalement ce qui arriva ensuite à son mari
Les tortures endurées par Suzanne
Suzanne Simon Baptiste Louverture se trouvait aux États-Unis vers la fin de décembre 1804 ou au début de 1805 après son incarcération en France. À son arrivée sur le continent américain, Le Herald de New York avait rencontré ce « monument vivant de l’humanité » et lui consacra tout un article à la date du 5 janvier 1805. En début de texte, le journal affirmait : « Les membres mutilés et les nombreuses cicatrices de madame Toussaint sont des preuves visibles des instruments de torture dont on a fait usage sur sa personne dans les cachots de la France libre, éclairée et civilisée… »
Elle renseigne que son premier interrogatoire eut lieu en présence d’un beau-frère de Lucien Bonaparte (le second des frères de Napoléon – 1775-1840) nommé Pierre, qui lui dit : « Ta fosse est creusée et ton dernier jour est venu si tu n’avoues pas l’endroit où Toussaint tient sa correspondance secrète avec les Anglais et/ou il a enfoui le trésor tant recherché par les Français. » Suzanne répondit qu’elle n’était au courant d’aucune transaction secrète avec les Anglais, mais que quand Leclerc fit traîtreusement capturer son mari, il avait sur lui tous ses papiers et aussi tout son argent estimé à 300 000 livres, que c’était tout ce qu’elle savait. Elle fut alors renvoyée dans sa cellule. Au milieu de la nuit, le commissaire de police Pierre Pierre revint dans la cellule avec quatre gens d’armes d’élite ; elle fut entraînée cette fois dans une salle souterraine et le commissaire lui montra les instruments de torture qui l’attendaient en réitérant les mêmes questions et menaces qu’auparavant. En dépit des larmes, des prières, des supplications, et même de sa déclaration qu’elle était dans un état de grossesse, rien n’arrêtait ses bourreaux. Les gens d’armes la terrassaient, la saisissaient. Elle s’évanouit ; malgré cela les mêmes questions revenaient et les tortures s’accentuaient quand elle perdit totalement ses sens. Quand Suzanne revint à elle, ce serait pour constater qu’elle avait eu une couche prématurée. L’accouchement du fœtus mort fut opéré par la femme d’un des gens d’armes. Ainsi, Toussaint Louverture et sa femme Suzanne Simon Baptiste seraient en attente d’un enfant lors de leur arrestation par Leclerc. Ensuite, elle vint à développer une maladie qui dura quelque six mois alors que la pression psychologique se poursuivait : on lui disait à tout bout de champ qu’elle pouvait recouvrer la liberté, qu’elle pouvait revoir son mari. Quand elle put reprendre un peu de forces, Pierre Pierre s’amena un soir au cours de la nuit ; d’un ton joyeux, il dit à madame Louverture que Bonaparte lui permettait généreusement d’aller rejoindre son mari à Paris.
Les tortures à Paris
Mensonge ! Au cours du voyage vers Paris, deux agents de police surveillaient madame Louverture à qui l’ordre a été intimé de ne pas révéler son identité en cours de route, sous peine d’emprisonnement. Était aussi présente une de ses servantes qui étaient venues avec elle de Haïti. Ne pouvant se parler entre elles, sinon en langage de signes, la servante lui fit comprendre qu’elle aussi portait des cicatrices résultant des tortures infligées. Le carrosse qui conduisait madame Louverture arriva à Paris vers onze heures du soir. La prisonnière fut conduite à la préfecture de police, d’où le préfet donna l’ordre de la conduire au Temple, en prison. Au cours de la soirée du lendemain, madame Louverture fut introduite au-devant du grand juge Régnier et d’un chef de police nommé Réal. Là, le secrétaire Desmarrais lut le procès-verbal relatant tout ce qui avait été dit dans les interrogatoires précédents, signé par Pierre Pierre et les quatre gens d’armes mentionnés ci-dessus. Le juge Régnier la somma d’être plus précise, car, prétendait-il, Toussaint son mari avait avoué davantage qu’elle, et donc qu’elle était dans l’obligation de parler, car c’était le seul moyen d’obtenir la liberté et d’éviter de nouvelles tortures. N’ayant rien à ajouter, elle reprit ses déclarations faites à Bordeaux, où elle pensait être. Soudain, elle fut saisie par les gens d’armes et bousculée dans un cachot en dégringolant soixante-dix marches pour y arriver. Cette fois-ci, elle fut mise toute nue et connut de nouvelles tortures. Desmarrais voulait savoir le nom des agents secrets du gouvernement anglais à la Jamaïque, les transactions qu’ils avaient effectuées en ce qui a trait aux maisons en Angleterre et en Amérique qui leur avaient rapporté de l’argent et à qui cet argent avait été remis ; de plus, ils voulaient savoir où en Haiti un trésor estimé à une valeur de dix millions en or avait été enterré. Il semble que les tortures endurées précédemment n’étaient qu’un jeu d’enfant en comparaison de celles infligées à Paris. Sous peu, ne pouvant plus résister, elle perdit ses sens, ses facultés de penser, de parler, et elle perdit connaissance et ne put se souvenir de ce qui lui arriva dans le Temple. Quand elle se reprit, elle se retrouva enfermée et enchaînée à l’hôpital de la Salpêtrière, près du Jardin des Plantes à Paris au début d’avril 1804 ; Suzanne Simon Baptiste était encore torturée alors que Toussaint son mari était mort depuis belle lurette, soit un an auparavant, au fort de Joux dans le Jura, le 7 avril 1803. À la Salpêtrière, le chirurgien général Lallemand présenta un rapport sur l’état de santé de madame Louverture en convalescence. Finalement, les autorités françaises permirent à son fils de la visiter ; ce qui la réconforta davantage.
Le Herald de New Yorkdu 5 janvier 1805
Cependant, ces nouvelles dispositions de Bonaparte n’étaient pas sans raison. Un de ses fils dut prendre l’engagement de rentrer en Haïti et de fomenter un parti contre Dessalines ; madame Louverture dut promettre qu’elle allait coopérer avec son fils, elle dut de même signer un protocole reconnaissant les bons traitements qu’elle reçut en France. À ces conditions, elle et son fils furent transférés dans une maison de détention à Paris, en attendant le prochain bateau qui pourrait les amener en Amérique. Toutefois, dans cette maison de détention, il semblerait que madame Louverture et son fils furent bien traités, avec respect et humanité. Néanmoins, « avant son départ, elle reçut de Bonaparte mille louis d’or, comme une indemnité de sa détention en France ; et madame Bonaparte lui envoya une bague de diamants de la valeur de cinq cents louis d’or, avec une lettre, par laquelle elle lui témoignait qu’elle était pénétrée de sa situation, et l’engagea à oublier le passé, et à se ressouvenir qu’elle était née française ». Le Herald de New York relatait que madame Louverture avait personnellement raconté sa saga à une certaine madame Bernard. Cette dernière, dans une lettre envoyée à Londres, confirmait que madame Louverture, suite aux tortures, avait perdu l’usage de son bras gauche, et qu’elle n’avait pas moins de quarante-quatre cicatrices dans différentes parties du corps. Le journal du 5 janvier 1805 précisait encore que madame Louverture était « un monument vivant de l’humanité », et vu que le climat des États-Unis ne lui était pas favorable à cause de sa santé affaiblie, qu’elle avait l’intention de s’établir à la Jamaïque aussitôt qu’elle aurait réuni une partie de ses avoirs et si le gouvernement le britannique lui permettait. Suzanne Simon Baptiste, veuve de Toussaint Louverture, mourut longtemps après à Agen, France, dans les bras de ses fils Placide et Isaac Louverture le 19 mai 1816.
Référence : Madame Toussaint – Gazette politique et commerciale d’Haïti du jeudi 28 mars 1805, l’an deuxième de l’Indépendance, numéro 16.
New York Herald 5 janvier 2005
Le Crime de Napoléon, par Claude Ribbe (Privé, 2006).
Haïti, l’insupportable souffrance, par Randall Robinson (Editions Alphé/Jean-Paul Bertrand, 2010).
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