Au-delà des murs; Analyse de l’« expérience carcérale élargie » Par William Gogas-Lirette

 

 

 

Au-delà des murs;

Analyse de l’« expérience carcérale élargie »

 

Par William Gogas-Lirette

Au-delà des murs

Au-delà des murs

Loin de se cantonner qu’aux simples murs de la prison, l’épreuve carcérale outrepasse ce carcan physique et conquiert le quotidien de l’entourage de la personne incarcérée. « L’expérience carcérale élargie » fait donc référence à l’étendue de la peine sociale que les proches des détenus vivent. Ceux-ci font alors face à de multiples enjeux et bouleversements dans leurs habitudes, tout en s’efforçant de supporter du meilleur de leur capacité le détenu.

Toutefois, de nombreuses contraintes entravent leur mission visant à soutenir la personne incarcérée. La fragilisation de la situation économique se dresse alors comme l’un des premiers impacts concrets du processus d’incarcération. À cet effet, une étude américaine du phénomène avance que ses sujets subissent un déclin économique se situant entre 63,5% et 88,5% suite à l’emprisonnement du proche.

Par contre, le stress économique n’est qu’une des entraves qui ébranle la vie des proches des détenus. En ce sens, cet article tente d’éclaircir sommairement quelques difficultés moins apparentes que les proches doivent surmonter. Pour y arriver, le récit d’Angela, mère d’un détenu, est intégré dans l’optique de reconstruire son expérience personnelle pour en apprendre davantage sur l’« expérience carcérale élargie ».

Première atteinte à la vie quotidienne, l’arrestation entame la séparation brutale entre les êtres. Cette séparation des corps à une valeur symbolique importante: c’est le début de la distinction entre libre et emprisonné. C’est aussi l’inauguration des violentes émotions: « la séparation est atroce, ça prend dans le cœur et c’est déchirant » énonce Angela. Le proche est complètement anéanti et se sent fondamentalement impuissant, menant même jusqu’à un sentiment de de paralysie; il réalise qu’il ne peut rien faire. Cette rupture physique est donc un véritable choc pour l’entourage.

Dès lors, le régime temporel du proche devient totalement altéré en étant dorénavant vassalisé aux procédures liées à l’incarcération. D’une part, le proche vit dans des circonstances dénaturées à partir de l’arrestation jusqu’à la tombée du verdict. Le temps n’est plus régi par ses lois normales mais plutôt par un avant et après jugement. C’est l’attente, l’angoisse et l’incertitude qui conditionnent la réalité du proche. D’autre part, si l’avant jugement est synonyme d’un certain immobilisme temporel, le verdict permet au proche de s’en affranchir en plus de regagner une relation standardisée au temps. En effet, le réinvestissement du futur émerge avec la connaissance de la peine: le proche peut ainsi se projeter dans l’avenir, à la sortie du détenu.

S’ensuit alors un processus de normalisation de la situation. Le proche n’est plus plongé dans l’obscurité face à l’horizon du détenu. Il connaît la peine ainsi que l’établissement où il la purgera et des contacts réguliers s’établissent entre les deux. Or, comme Angela l’exprime, « on croit toujours qu’il est en danger donc on vit dans une peur constante, on ne sait plus sur quel pied danser ». Cette citation illustre avec justesse le caractère profondément anormal de cette disposition. Par conséquent, parlons plutôt de « routinisation » car les proches vivent dans une crainte permanente en lien avec la dangerosité de l’établissement où « tout peut arriver » (Angela).

Par conséquent, la santé du proche subissant ces nombreuses entraves (anxiété, stress, etc.) se dégrade. « Le choc est tellement fort que le corps ne peut plus suivre » s’écrie Angela. L’état de santé des proches endurant l’« expérience carcérale élargie » se détériore et en reste marqué: hypertension artérielle, fatigue constante, troubles alimentaires, voire même nausées et vomissements peuvent devenir familiers!

Parallèlement, l’expérience vécue par le proche « redessine les contours de sa sociabilité ». En fait, celui-ci peut faire face à une réprobation par son cercle social en raison de sa relation avec le détenu. Cette peur d’une stigmatisation peut mener le proche à s’isoler, coupant tous liens sociaux. Forme de mécanisme de défense, Angela suppose que la prépondérance de la honte mène à cette réclusion. Par ailleurs, expliquer la situation peut être contre-productif; certains proches préfèrent garder un groupe d’amis dans l’ignorance pour ainsi s’en servir comme espace de « décompression ».

Pour conclure, l’« expérience carcérale élargie » affecte farouchement le proche. Comme le détenu, il éprouve un sentiment d’abandon, d’impuissance et de solitude. En outre, c’est sa perspective entière qui se transforme au courant du processus. Son regard envers les instances pénitentiaires et le système judiciaire est à jamais altéré. Bref, c’est une peine à purger en parallèle, une vie à jamais changée.

 

Texas Parole Law

https://txparolelaw.com/10-ways-to-support-family-and-friends-in-prison/n



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