Troisième vague de dévoilements : À quand de réels changements ?
Montréal, jeudi 8 août 2020 – En cette troisième vague de dévoilements, nous, le Regroupement québécois des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS), souhaitons exprimer notre soutien aux survivant·es qui, ont une fois de plus, trouvé la force de dévoiler les violences qu’ielles ont subies malgré les dissuasions sociales et les risques divers. Rappelons que cette vague de dévoilements s’inscrit au sein d’une société qui banalise les violences sexuelles et qui invalide trop souvent les avenues de guérison choisies par les survivant·es. Nous tenons également à exprimer notre solidarité envers les différentes actions posées, notamment les marches organisées à Montréal, Québec, Kahnawake, Sherbrooke et Rimouski.
L’arrivée de cette troisième vague n’est pas sans surprise. En période de pandémie, le confinement accentue la vulnérabilité des survivant·es et diminue l’accès aux services dont ielles ont besoin. Le contexte social dans lequel s’inscrit la présente vague de dévoilements (c.-à-d. une pandémie et la réapparition dans les médias de meurtres policiers des vies noires et autochtones) nous a menées à observer ce qui la différencie des vagues de 2014 et de 2017.
Au-delà des discours déjà largement diffusés, trois constats s’imposent : la perpétuation de la culture du viol, l’importance de la déconstruction du mythe de la victime parfaite et les enjeux relatifs au financement des ressources spécialisées.
Reconnaitre l’importance du continuum des agressions à caractère sexuel
La pluralité et complexité des témoignages partagés confirment l’importance de considérer l’impact de tous les types d’agressions à caractère sexuel, et ce, peu importe leur degré de violence. Du cat calling au harcèlement sexuel ou des morsures jusqu’au viol, toutes ces actions s’inscrivent dans le continuum des violences à caractère sexuel et de la culture du viol. Il est inconcevable de parler de ces agressions en hiérarchisant leur gravité, car une agression vue comme mineure peut avoir des conséquences majeures sur la vie d’un·e survivant·e. Cette troisième vague rappelle que combattre la culture du viol est l’affaire de tous·tes et expose la complicité du silence face à ces violences.
Le mythe de la victime parfaite : quand il est question de rapport race-classe-genre…
Il nous parait essentiel de noter que les témoignages les plus médiatisés sont l’apanage de réseaux majoritairement blancs et francophones, renforçant ainsi une banalisation de certains vécus traumatiques et une homogénéisation des expériences. Parallèlement, d’autres mouvements existent en privé dans certaines de nos communautés marginalisées voire criminalisées ou encore géographiquement isolées, notamment: autochtones, racisées, handicapées, LGBTQIA2+ en plus des survivant·es d’inceste. Dénoncer de façon publique un·e agresseur·euse et plus spécifiquement un·e membre de nos communautés peut être perçu comme une trahison et peut comporter des risques accrus. En plus de la violence des agressions vécues, un·e survivant·e déjà marginalisé·e qui dénonce risque d‘être attaqué·e sur son identité afin de délégitimiser son témoignage.
En tant que regroupement féministe, il est urgent pour nous de combattre nos propres angles morts qui trop souvent ne tiennent pas compte des besoins spécifiques des plus marginalisé·es d’entre nous. Tout·e survivant·e doit être accueilli·e, cru·e, écouté·e et accompagné·e selon ses besoins. Nous aimerions également susciter via cette lettre une réflexion collective sur les impacts collatéraux de l’instrumentalisation médiatique citée plus haut et ses influences indéniables sur l’imaginaire social.
Financement des ressources spécialisées
Les CALACS de la province travaillent d’arrache-pied sur les trois axes que sont la prévention, l’intervention féministe auprès des survivant·es et leurs proches ainsi que la mobilisation collective afin de lutter contre les agressions sexuelles. Toutefois, notre réseau de ressources spécialisées est à bout de souffle. Si notre société assiste actuellement à une troisième vague de dévoilements d’agressions à caractère sexuel, les CALACS ressentent quant à eux le tsunami de demandes d’aide de plein fouet. Les dévoilements amènent plusieurs survivant·es à aller chercher du soutien et poussent également plusieurs milieux à faire appel à l’expertise des CALACS afin de provoquer un changement de mentalité dans leurs communautés. Certains CALACS ont vu leur liste d’attente doubler, voire tripler, allant même jusqu’à deux ans d’attente. Il est donc clair que les ressources en agressions sexuelles sont essentielles et ont besoin de soutien financier conséquent. Afin d’être en mesure de répondre adéquatement à la hausse des demandes d’aide, il est nécessaire de favoriser un plus grand financement, et ce à la mission plutôt que ponctuel par projet. De plus, il est important de rappeler que plusieurs territoires sont sous voire non desservis ce qui empêche les survivant·es de ces régions de recevoir un soutien adéquat, pensons à Montréal-Nord et le nord du Québec, par exemple.
À quand les réels changements?
Cette vague ne sera certainement pas la dernière. Des questions se posent : combien de vagues de dévoilements devrons-nous attendre avant de constater de réels changements sociétaux ? Combien de vagues avant de voir un engagement clair des décideur·euses public·ques pour contrer les agressions sexuelles ? Combien de survivant·es devront partager leur histoire avant que les violences sexuelles soient une priorité à éradiquer ?
Une chose est certaine, nous voulons dire aux survivant·es : ON VOUS CROIT. Nous continuerons de lutter pour vos droits et pour un monde sans violence sexuelle.
Le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel
Téléphone : 514-529-5252 | ||
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