Le drapeau de Montréal se pare des couleurs autochtones
Le 13 septembre 2017, le maire de Montréal Denis Coderre révèle le nouveau drapeau de la Ville de Montréal orné du pin blanc des Première Nations. Le symbole autochtone, qui s’ajoute au lys français, à la rose anglaise, au chardon écossais et au trèfle irlandais, fait désormais foi de l’implication des Premières Nations dans la fondation de la ville.
Cette décision fait écho à la célébration des 10 ans de la signature de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. C’est lors du festival « La Voix des Nations », tenu pour célébrer la diversité des cultures autochtones internationales, que Denis Coderre et Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, ont pu dévoiler au public présent la nouvelle bannière montréalaise.
Rétablir des relations passées
Par ce geste, la Ville de Montréal montre sa volonté d’améliorer ses relations avec les populations autochtones. Des relations qui remontent aussi loin que l’arrivée européenne en Amérique du Nord.
Dès l’arrivée des Européens sur les territoires amérindiens au XVIème siècle, un lien commercial se créé entres les nouveaux arrivants et les populations locales. Les européens échangent désormais leurs marchandises importées de leur pays natal contre les fourrures que les amérindiens possèdent.
Puis ces relations commerciales se transforment en alliances militaires. Les colons se partagent les populations autochtones selon leurs volonté et besoins Ainsi naissent deux alliances : l’Empire Britannique se joint à la Conférence Iroquoise, tandis que les français s’allient aux Premières Nations.
Lorsque la guerre entre les nations autochtones éclate, il ne faut que très peu de temps avant qu’elle ne devienne totale. Par le jeu des alliances militaires, le conflit change de dimension et voit les deux plus gros empires européens prendre part aux querelles.
Cette guerre totale prend fin en 1701. La Grande Paix de Montréal est signée, mettant ainsi fin à plus d’un siècle de guerre. Tous les peuples sont impliqués dans cette signature : les autochtones fumant le calumet de la paix, les britanniques et français signant les documents officiels.
Un pin blanc, symbole de la paix dans les cultures amérindiennes, est alors planté après la ratification des accords.
La première étape d’un long processus
Le pin blanc est donc historiquement rattaché à la ville de Montréal. En apparaissant sur le drapeau de la ville, il devient officiellement rattaché à la ville.
La volonté de la Ville de Montréal est désormais claire : elle souhaite poursuivre les démarches de réconciliation entreprises depuis plusieurs années.
Il s’agit d’une continuité dans la volonté de « redonner un sens réel à l’Histoire » selon le maire de Montréal, Denis Coderre.
Cette décision de la ville vient complémenter les actes passés du gouvernement fédéral.
En 2007, il met sur pied la Commission de vérité et réconciliation (CVR), en lien avec les pensionnats indiens. Cette commission met en œuvre les directives de la Convention de règlement relative à ces pensionnats : elle se doit d’« amener une résolution juste et durable des séquelles laissées par [ces] pensionnats » (Affaires autochtones et du Nord Canada).
À cela s’ajoute les excuses officielles du Premier Ministre Harper, au nom du gouvernement Canadien, envers ces élèves autochtones qui se sont retrouvés victimes de ces pensionnats indiens.
Cependant, la réconciliation est un long processus qui s’attaque à plusieurs problèmes.
Parmi ces changements, il faut « remettre à flots les Premières Nations » selon André Dudemaine. Pour le réalisateur, animateur culturel et directeur de présence autochtone innu, il faut aider ces nations très pauvres en matière d’éducation et de santé.
Il souhaite aussi que les pouvoirs soient dévolus aux représentants des Premières Nations, afin qu’ils prennent en main leur futur.
Le plus grand travail concerne les droits des Premières Nations. Des droits bafoués au cours de l’Histoire, notamment par l’Empire Britannique au XIXème siècle.
Régnant sur le Canada, les anglais ont voulu « civiliser » les populations autochtones. Leurs armes étaient alors la christianisation et la sédentarisation dans les réserves.
Puis ils se sont octroyés des droits sur les terres autochtones. La Loi sur les protections des terres de la Couronne de 1839 fait du gouvernement canadien le protecteur des terres publiques et des réserves.
En 1876, par l’Acte des sauvages ou Loi sur les Indiens le gouvernement canadien impacte à jamais l’histoire autochtone. En se donnant le rôle de tuteur de la population autochtone, le gouvernement s’offre l’autorité exclusive de légiférer sur les indiens et leurs terres. Forcés à être assimilés à la population canadienne, les indiens sont envoyés dans un des cent trente-deux pensionnats pour y être éduqués. 150 000 y sont envoyés. Mal traités et mal nourris, près de 3200 enfants y perdent la vie selon la CVR.
Les autochtones croient en la réconciliation
Les premières esquisses de ce qui doit être fait sont avancées par les principaux concernés. Mais y croient-ils ? André Dudemaine oui. Les actes de la Ville de Montréal montrent qu’il est « très clair que [la ville] veut aller vers la réconciliation ». Cependant, il nuance par le manque de moyen de la ville. Son statut métropolitain ne lui permettant pas de changer les choses à la racine. « Les décisions au plus haut niveau (fédéral) sont nécessaires, car ce sont les vraies décisions ».
Le gouvernement n’est pas le seul jouant un rôle dans ce changement. Pour André Dudemaine les Premières Nations elles-mêmes « doivent mener la marche » car elles sont à la genèse de cette volonté de réconciliation.
Et ce sont notamment les artistes autochtones qui se doivent de continuer à stimuler la « renaissance des nations » en continuant à maintenir l’identité ancestrale autochtone dans les communautés contemporaines.
Travaillant main dans la main, les Premières Nations et les gouvernements québécois et canadien se rapprochent de « LA réconciliation » pour André Dudemaine, même si le chemin à faire est encore important.
Rémi de Marassé
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